«Le goût âpre des kakis» par l’écrivaine irannienne Zoyâ Pirzâd

Andeea Noiret

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Née en 1952 en Iran à Abadan d’un père Russe et une mère Arménienne, Zoyâ Pirzâd est une romancière, nouvelliste et traductrice iranienne faisant partie des écrivains contemporains qui ont fait découvrir au grand public la littérature persane.

Auteur des œuvres Comme tous les après-midi (1990), C’est moi qui éteins les lumières (2001), On s’y fera (paru en 2004) ou Un jours avant Pâques (2008), elle reçoit en 2009 le Prix « Courrier international du meilleur livre étranger » pour « Le goût âpre des kakis ».

Ce dernier ouvrage regroupe cinq nouvelles qui racontent avec tendresse et subtilité l’histoire de cinq femmes dans l’Iran d’aujourd’hui dans un moment décisif de leur vie. Il s’agit de cinq récits de vie différents qui présentent de façon lucide la vie des couples dans un Iran en plein changement. La dernière nouvelle fait exception, puisqu’elle se place dans la période d’avant la Révolution Islamique de 1979. Néanmoins, c’est cette nouvelle qui donne son nom au livre entier, puisque par sa symbolique elle est révélatrice pour un pays qui se trouve depuis dans un processus lent mais constant de changement des mœurs.

« J’écris beaucoup sur les femmes – écrit Zoyâ Pirzâd - car elles sont au centre de mes préoccupations en ce moment. Le fait que les femmes soient considérées comme forcément dépendantes des hommes, c’est quelque chose qui me dérange. En Iran, en Arménie, en Inde, dans beaucoup de pays de culture non occidentale, la fille est d’abord, lorsqu’elle naît, la fille de son père, puis elle est la femme de son mari, puis la mère de son fils. Le sort de la femme est toujours lié à celui d’un homme. Voilà ce que la société attend des femmes : travailler à la maison, se marier, puis avoir des enfants. (…) Néanmoins, la situation a évolué en Iran. Les nouvelles du Goût âpre des kakis reflètent largement la réalité, à savoir que certaines femmes travaillent et que d’autres restent à la maison, comme dans beaucoup de pays. La particularité en Iran, c’est que la famille est encore très envahissante. »

Le recueil livre à travers les cinq histoires une fine analyse des couples iraniens d’aujourd’hui. C’est en particulier le rôle de la femme épouse ou de fiancée dans une société encore traditionaliste qui est mise en lumière. Dans ce contexte se placent les récits de Leila, de Mahnaz ou de Simine – toutes des femmes qui s’apprêtent à divorcer et qui doivent préparer ce changement douloureux de leur vie en faisant face à leur famille ou en essayant de trouver un équilibre pour commencer une nouvelle vie.

LE RAPPORT A LA TRADITION ET A LA RELIGION

L’influence des traditions au quotidien

Tout au long du récit il y a plusieurs indicateurs pour le rapport aux traditions, encore très fort dans la vie quotidienne iranienne, qui règlent les relations interhumaines. Ici on peut mentionner entre outres le fait que le fiancé n’est présenté à sa belle-sœur qu’un an après la première rencontre du couple (page 9). Néanmoins, les rapports à la tradition ne sont pas stables et homogènes, tout au contraire. On a d’un côté les mariages arrangés de façon traditionaliste entre les parents (c’est le cas de Simine et Madjid, deux cousins germains, dont les mères se chargent des arrangements), pendant que d’un autre côté on a le type de relation libre, soi-disant occidentale dans les relations entre les jeunes (voir la page 24, la scène dans la pizzeria, où une jeune fille regarde Ali, homme marié ; où on aperçoit aussi bien une femme seule à une table). Modernité et traditionalisme coexistent dans un mélange hétéroclite, puisque le regard que les jeunes couples portent sur leur propre relation se trouve en totale contradiction avec les traditions (par exemple, dans la première nouvelle, Ali ne considère pas comme nécessaire qu’il se fiance avec Leila (page 12) et préfère une liaison libre affichée de manière totalement officielle).

Le poids de la religion

Tradition et religion sont inséparables en Iran. Le système patriarcal qui caractérise l’organisation familiale de la société iranienne musulmane, impose l’obéissance et établit une hiérarchie de normes qui est acceptée généralement comme « naturelle », comme étant dans l’ordre des choses. Cette obéissance dépasse le terrain de la famille et porte sur toute la nation considérée comme une grande famille dans un système patriarcal.

Le maintien de la hiérarchie des statuts est fait par le respect de l’ « éternel hier ». C’est ce qu’on appelle en général la légitimité « de rétribution » et qui renvoie au pouvoir coutumier et aux traditions. C’est un système autoritaire rigide qui interdit la contestation dans tous les niveaux de la société.

« Depuis l’établissement de la république islamique en 1979, les lois iraniennes sont basées sur une interprétation particulière de la Charia. Toutes les relations sexuelles qui ont lieu en dehors du traditionnel mariage hétérosexuel sont illégales et aucune distinction légale n’est faite entre les relations consenties ou non consenties. » . Ici on peut citer l’exemple de Mahnaz (la femme qui quitte son mari), qui fait objet d’une réprobation sociale ou de Simine qui « apprit la cuisine, la pâtisserie, la broderie, la couture et la décoration florale. Elle suivit même pendant quelques jours des leçons de détachage données par deux jeunes femmes. Les femmes qui venaient à ces leçons racontaient qu’une des deux femmes vivait séparée de son mari [il s’agit de Mahnaz] tandis que l’autre, la gérante du cours, qui prenait les droits d’inscription, négligeait totalement le sien. Quand Simine rapporta ces propos à sa mère, celle-ci lui répondit qu’il n’était pas nécessaire qu’elle continue ses leçons. Des femmes de ce genre vous gâteraient l’esprit ! » (page 66). On voit bien qu’une femme qui vit séparée de son mari ou qui le néglige est considérée dangereuse et doit être bannie socialement. Quant à Mahnaz même, elle déclare que « Mon mari est aux Etats-Unis. Je le rejoindrai dès que nous aurons l’autorisation de séjour. En attendant, nous avons pensé acheter quelque chose de moins grand. » (page 86). Il s’agit bien évidemment d’un mensonge nécessaire pour maintenir les apparences.

1) Les différences entre la France et l’Iran au sujet de l’influence des traditions et surtout de la religion au quotidien ne pourraient être plus grandes. Entre un Etat de droit, laïque, comme la France et l’Iran, une théocratie avec un clergé au pouvoir, il ne peut y avoir une comparaison. D’un côté on a l’égalité entre les individus et la primauté de la justice et d’un autre c’est la patriarcat, le règne de la Charia et la stricte obéissance de la loi islamique au quotidien.

2) D’un point de vue professionnel, connaître le poids que les traditions et la religion ont au quotidien s’avère fondamental afin de trouver le juste milieu entre notre vision occidentale de choses et les contraintes du travail dans un pays théocrate.

LANGUE, EXPRESSION, COMMUNICATION

Un indice de la stricte hiérarchie des rôles dans la société patriarcale iranienne est le suffixe qui suit toujours le prénom d’une personne et indique précisément le rang et le degré de respect qu’on doit lui accorder. Il s’agit en effet d’un suffixe qui fait référence à l’âge, au sexe et même au rang hiérarchique: « Khnoum » pour une dame, « khan » pour un jeune homme ou « agha » pour un homme plus âgé ou pour un supérieur à un subalterne. A remarquer la richesse du vocabulaire quant aux divers degrés pour indiquer une personne masculine vis-à-vis à un seul suffixe employé pour dénommer une femme, ce qui indique évidemment l’importance du statut de l’homme face à celui de la femme dans la société iranienne. (Ce sont des marqueurs qui indiquent une identité fixe, une hiérarchie bien établie).

1) En France il n’y a que trois appellatifs usuels : madame, mademoiselle et monsieur. Pourtant, ces qualificatifs ne disent rien sur les relations entre supérieurs et subalternes. Par rapport à la France, l’iranien contient un certain degré d’intraduisible qui cadre très strictement les relations interhumaines (caractéristique qui existe par ailleurs dans de nombreuses autres langues).

2) Il est absolument nécessaire de connaître les différents appellatifs usuels dans une langue quand on travaille à l’étranger. Cela permet de mieux identifier les hiérarchies et éventuellement les différents centres de pouvoir (par exemple il est fondamental de pouvoir cerner à l’aide des marqueurs lexicaux le statut des personnes et en particulier de celle qui détient le pouvoir formel/informel dans une communauté, surtout quand on a à gérer plusieurs acteurs impliqués dans un conflit/projet) et d’éviter de créer des situations conflictuelles.

LES RAPPORTS DANS LES RELATIONS HUMAINES

Le statut du couple

Le thème des descendants est fondamental dans la tradition iranienne, puisqu’« on se marie pour avoir des enfants. » (page 55). Source d’autorité pour un homme et reconnaissance sociale pour la femme, les descendants assurent aussi la transmission des richesses (la dote, apportée par la femme lors du mariage) ainsi que des traditions. La maternité marque un moment central dans la vie d’une femme, car c’est ainsi qu’elle acquiert du pouvoir. La naissance modifie fondamentalement son statut au sein de la famille respectivement au sein de la communauté/société.

Sans descendants, l’homme répudie la femme qui subit ainsi une sorte de « mort sociale ». Déshonorée, elle est forcée de se retirer de la société et ne peux plus se marier, sa vie sociale est pour toujours détruite (la perte de la virginité entraîne l’impossibilité d’un nouveau mariage). C’est le cas du couple arrangé Simine – Madjid qui se démembre aussi à cause de l’infertilité de la fille. Bien que Simine aime Madjid (l’inverse n’était pas le cas) et qu’elle soit l’épouse parfaite, elle est quittée par Madjid et par la suite socialement diffamée (page 81).

Dans ce contexte, le thème de la stérilité masculine est strictement tabou. En général, c’est la femme qui est socialement accusée, même si la stérilité est évidemment liée à l’âge avancé de l’homme, fait qui met en péril l’existence du couple (page 179, le cas de la dernière histoire qui donne aussi le nom du livre) : « Nombreux furent ceux qui attribuèrent à la beauté de la jeune maîtresse de maison le fait que le mariage ne fût pas rompu. D’autres penchaient plutôt pour les largesses du père de la mariée. »

Finalement, on peut signaler aussi l’aspect permissif vis-à-vis de l’homme en général (en tant qu’être auquel tout est permis, même l’infidélité à répétition ; la loi islamique permet, en effet, aux hommes d’épouser quatre femmes à titre permanent et de prendre autant d’épouses « temporaires » par des contrats religieux qui peuvent durer de quelques heures à plusieurs années ) pendant que la femme subit une permanente honte sociale à cause des infidélités de son conjoint ( l’obsession de Leila pour les taches au sens propre nous emmène à penser à cette honte ressentie tacitement).

Les questions du genre et les rapports à l’affectif

La monarchie constitutionnelle à l’instar des démocraties européennes qu’avait instauré le règne du Shah a laissé la place au modèle politique de l’Iran contemporain qui est celui d’une théocratie ayant comme source la doctrine shiite qui a permis le développement d’un pouvoir autonome du clergé et qui a mené à l’arrivée au pouvoir des clercs en 1979. Dans ce contexte on peut constater quelques traits généraux par rapport à l’affectif et au genre et qui sont caractéristiques pour une société patriarcale religieuse. Il y a une grande différence d’âge qui règne souvent dans le couple iranien et particulièrement dans les couples formés de manière traditionaliste. C’est le cas du dernier récit du livre (le mari était « plus âgé qu’elle, (…) avait déjà beaucoup voyagé, jouissant d’une longue expérience » page 178). Dans cette dernière histoire qui se déroule au vieux temps du Shah, donc avant la scission marquée par la Révolution Islamique de 1979, on remarque une certaine élégance et pudeur qui caractérise les relations de couple : on ne s’appelle pas par nom (c’est « Madame » et le « Prince », surtout une référence directe au rang social de l’homme), on ne fait pas référence au sexe, ni aux relations sexuelles ou au problème central de la stérilité qui pèse lourdement sur le couple, on ne parle pas d’intime. Cette pudeur élégante des mœurs correspond en quelque sorte à cet âge d’or de l’Iran, celui du Shah et la monarchie constitutionnelle qui a fini au moment de la Révolution Islamique.

En même temps, en matière de couples on remarque tout les cas de figure, un signal que la société iranienne est en train de changer au dépit de ses traits traditionnels et rigides qui continuent de s’affirmer. Dans la quatrième nouvelle on a affaire indirectement avec un couple, plus précisément celui du patron Kamali et de Soheila, sa deuxième épouse, « une femme de l’âge de sa fille » (page 167) et dans ce cas-là la femme est celle qui dirige tout dans la vie de famille. C’est précisément son mari qui subit tous les caprices de sa femme sans protester, les rôles sont bien évidemment inversés.

1) Les rapports à l’affectif dans le couple, mais surtout le rôle de la femme sont totalement différents en France par rapport à l’Iran. Néanmoins, ce n’est qu’à partir de Mai ’68 que la situation a changé de façon significative. Ce moment a marqué une césure dans la société contemporaine française et une contestation multiforme de tous les types d’autorité. La libération des mœurs et l’émancipation des femmes sont désormais monnaie courante en France, ce qui n’est pas le cas en Iran, où la situation des femmes reste encore très inégalitaire face aux hommes.

2) Connaître les rapports à l’affectifs, aux mœurs et la place que la femme occupe dans une société donnée joue un rôle décisif quant aux relations professionnelles au sein d’une structure à l’étranger. Afin d’éviter des situations conflictuelles au sein de l’équipe ou dans les relations avec les autres acteurs locaux, il s’agit de bien étudier et de se renseigner sur tous ces aspects complexes des relations interhumaines qui diffèrent d’un pays à l’autre.

LE RAPPORT AU TRAVAIL ET A L’ARGENT

La distinction entre vie professionnelle et vie privée

Un très bon exemple qui décrit très bien le rapport au travail et à l’argent dans la société iranienne est la citation, incluse dès la première histoire d’un livre de Madame H. M., qui parle du rôle attribué aux femmes au sein de la société iranienne : « Si elle est vraiment consciente de ces devoirs, elle sait que c’est au sein du foyer pur et sacré qu’elle accomplit ses devoirs comme citoyenne, femme et être humain. La femme consciencieuse est comme le flambeau qui brûle sans cesse au cœur de la famille et qui fait rayonner autours d’elle sa pure lumière et sa bonté. (…) Tous les matins, l’homme sort de chez lui et jusqu’à la nuit tombée, il est au prise avec les diverses et nombreuses difficultés de la vie. Quand il rentre chez lui le soir, il remet à sa femme le produit de son labeur quotidien. C’est alors que sa femme révèle tout son art et sa maîtrise dans la gestion des dépenses ordinaires, sachant aussi mettre de côté le nécessaire pour le lendemain. » (Page 33-34).

C’est à la femme de gérer toutes les tâches ménagères et à l’homme de gagner de l’argent, d’être actif dans la société, puisque, tant qu’il n’y a pas de problèmes d’argent dans le couple, il n’y a aucun raison que la femme travaille. Un très bon exemple le livre l’histoire de Mahnaz (la deuxième dans l’ouvrage), prisonnière du mariage avec Faramarz, un mari traditionnel, pour lequel la femme est destinée à remplir les tâches ménagères et à s’occuper de l’intérieur. Même si ce récit est au début une histoire d’amour, on constate vite le rôle que le mari attribue à sa femme : elle est une esclave qui doit faire le ménage et entretenir ses invités : « Je t’en prie, ne parle jamais affaires avec le directeur. Ca l’agace de voir les femmes s’en mêler. » (page 54), lui dit-il après une visite. « J’aurais dû épouser une femme qui, au lieu d’imiter les Européennes et de ne penser qu’à son job, à ses promotions et à toutes ces absurdités, s’occupe un peu plus de sa maison. » (page 57) On note bien la nette distinction de l’espace privé appartenant exclusivement à la femme et celui public qui n’appartient qu’à l’homme, la femme étant tolérée dans certains cas dans le milieu public du travail. (Un autre exemple on le trouve dans la dernière histoire, quand Madame ne sort jamais de la maison, pendant que ce n’est que le Prince qui le fait).

Néanmoins, on remarque bien que le rôle de la femme iranienne est en train de changer tant dans la vie professionnelle que dans la vie sociale. (Le meilleur exemple est celui déjà cité de Mahnaz, femme active professionnellement et qui décide de quitter son mari ou Leila qui met une fin à sa relation avec Ali et se met à son compte en créant sa propre entreprise – donner des cours pour apprendre aux femmes comment enlever les différentes taches, comme pour exorciser sa douleur au sein du couple). Cette nouvelle situation conduit à un changement à l’intérieur du couple et dans les attentes des uns et des autres, ce qui rend les relations de couple plus instables. Les femmes ne sont plus aussi soumises que dans le passé, elles n’acceptent plus tacitement les infidélités de leurs conjoints (Leila par exemple). Le rapport à l’affectif va de pair avec l’indépendance de la femme qui avec ce nouveau statut acquis, met en péril en quelque sorte la position de l’homme, captif dans sa rigidité ou inflexibilité imposée par la société traditionaliste.

La logique d’accumulation

En règle générale c’est la mariée, la bru qui vient avec un dot important de la part de ses parents (sa maison dans la dernière nouvelle) ou avec son trousseau, préparé manuellement par elle-même (pendant que le futur jeune marié fait ses études aux Etats-Unis, puisque « c’est à l’homme d’étudier. (…) A chacun son rôle. » (l’histoire du mariage arrangé, page 65). Un autre exemple est celui de Taraneh et Morad, le type de couple qui s’approche le plus du modèle occidental (ils se sont mariés par amour, la femme est égale à l’homme, elle travaille). Dans ce cas particulier c’est à nouveau la femme, Taraneh, qui règle le loyer et les dépenses ménagères de son propre salaire, pendant que l’homme est celui qui gagne le moins. Cette logique d’accumulation a permis à la société iranienne d’atteindre dans le temps une certaine homogénéité qui va de pair avec le maintien du système patriarcale rigide, en empêchant toute contestation dans la société.

1) Par rapport à l’Iran, la situation de la femme face au travail et à l’argent est totalement différente. Egale à l’homme, la femme bénéficie des mêmes droits et devoirs que lui. La situation sur le marché du travail est certes loin d’être idéale, puisque certaines discriminations continuent d’exister. Néanmoins, on peut affirmer que le principe d’égalité entre les hommes et les femmes s’applique et garantit l’égalité des chances. En même temps, la société française se fonde sur une logique de redistribution qui s’oppose à celle d’accumulation, caractéristique à la société iranienne.

2) Dans un système autoritaire théocratique, il peut s’avérer difficile pour une femme occidentale d’être acceptée en tant qu’employée dans un monde dominé par les hommes. C’est pourquoi il est fondamental de bien connaître le rapport du pays d’accueil au travail et à l’argent, afin d’essayer de s’appuyer sur des réseaux locaux existants (associations de femmes, représentantes au niveau local ou national, partis politiques qui militent pour les droits de femmes, etc.) pour acquérir une certaine légitimité.

 

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Les cinq novelles qui composent l’ouvrage nous présentent une société iranienne extrêmement complexe, en plein changement de mœurs. Cette société, qui puisse paraître de l’extérieur encore très figée et traditionaliste, se dévoile comme un mélange surprenant de traditionalisme et de modernité, de frictions entre les différents mouvements sociétaux, de résistances au changement, en plein conflit intérieur. Comme un cristal en pleine lumière, elle porte en elle une infinité de facettes qui composent une mosaïque, un spectre lumineux d’une infinie complexité (voir la composition de la couverture).

Cette société iranienne peut être comparé au fruit de kaki. Comme lui (fruit auquel on attribue des vertus de fertilité - page 183), elle prend du temps pour changer. Les étapes franchies doivent mûrir, les changements se préparent et se prolongent dans le temps, tout comme les kakis qui ne deviennent mûrs qu’avec un certain temps passé. Il est à noter que ces histoires de femmes, de couples, on pourrait les transposer ailleurs qu’en Iran, dans une autre société musulmane, car il y peu de références de lieu ou de temps.

Le thème du changement

Tous les thèmes identifiés se trouvent sous le signe du changement qui est capital dans l’ensemble du livre. Il est récurent et revient avec obsession dans presque chaque histoire racontée. Ce fait renvoie à une société traditionaliste qui essaie de s’opposer forcément au changement, vécu comme une épreuve douloureuse qui détruisait un ordre naturel bien établi. Cette résistance au changement se fait remarquée d’un côté et de l’autre, c’est-à-dire aussi du côté des femmes que du côté des hommes. Ce leitmotiv est central dans le contexte d’une société apparemment très ancrée dans les traditions, mais qui en réalité se trouve en plein changement de mœurs. A travers ce thème du changement on constate que tout est sujet au changement, même les traditions, et que rien ne reste figé.