Comment peut-on estimer l’impact de projets d’empowerment ?
Aide à la création d’un centre de jeunesse dans la communauté de Ga-Mothiba, Afrique du Sud
Marina Miollany
Mots-clés
- Pouvoir
- coopération internationale
- aide au développement
- Afrique du Sud
Cette fiche raconte l’expérience de Marina Miollany d’aide à la création d’un centre de jeunesse dans la communauté de Ga-Mothiba en Afrique du Sud. La question au coeur de son travail est: “L’action initiée par le Center for Rural Community Empowerment (CRCE), permet-elle l’autonomisation des habitants de la communauté de Ga-Mothiba ?”
Si l’on devait définir le concept d’empowerment en quelques mots, nous le définirions comme un processus qui permet d’augmenter la capacité d’individus et de groupes d’individus à faire leurs propres choix qui se concrétisent en actions puis en résultats. Le résultat se traduisant par l’autonomisation des individus. Aujourd’hui, cette thématique est de plus en plus souvent inscrite dans les défis du nouveau millénaire. A l’origine, le terme empowerment a d’abord été employé pour des projets qui se focalisaient sur l’intégration des femmes dans le développement de leur communauté. Aujourd’hui, il peut être appliqué « à tous les membres de groupes vulnérables, opprimés et privés de leurs droits sociaux ». La notion est souvent utilisée par les gouvernements, les ONG ou d’autres organisations qui sont à l’origine du lancement du processus. Dans le contexte des projets de lutte contre la pauvreté, l’objectif est de « permettre aux personnes vivant dans des conditions de pauvreté de sortir durablement de cette condition en réduisant leur vulnérabilité sur les plans social, économique, politique et psychologique ». Ce concept est maintenant inséparable de la notion de développement durable, car dans les deux cas, on favorise la participation de toutes les populations.
Le Center for Rural Community Empowerment (CRCE) est un centre de recherche de l’Université du Limpopo qui a été établi en 2000. Il est considéré comme étant « l’outil de terrain » de l’Ecole d’Agriculture et des Sciences de l’Environnement de l’Université du Limpopo. Sa mission principale est de mettre en place un processus au sein des communautés rurales dans le but de leur apporter un moyen d’existence durable, cela grâce à l’introduction de méthodes d’agriculture traditionnelles. Il est important de rappeler que la province du Limpopo en Afrique du Sud est une des régions les plus pauvres du pays. La population est majoritairement noire et rurale. A l’époque de l’Apartheid, il s’agissait d’une des régions les plus conservatrices du pays. La province a également gardé les traces des anciens Bantoustans construits au temps de l’Apartheid. En effet, malgré la réintégration de ces territoires dans l’ensemble du pays, en 1994, les Bantoustans représentent toujours des « poches de pauvreté, des zones dans lesquelles l’activité agricole a elle-même été détruite » . Aujourd’hui, l’agriculture de subsistance n’existe pratiquement plus au sein des communautés pourtant toujours appelées « rurales ». Déjà à l’époque de l’Apartheid, les habitants des Bantoustans avaient perdu le savoir-faire et les méthodes traditionnelles de plantation ou d’élevage qu’utilisaient leurs ancêtres. Les populations noires servaient de main d’œuvre pour développer l’industrie ou les grandes exploitations agricoles du pays. L’exode rural a donc débuté très tôt. Quand à l’agriculture, le pays est un des premiers pays agricoles au monde et le secteur est largement dominé par les grandes exploitations appartenant aux populations blanches et utilisant bien souvent les cultures transgéniques. En somme, les communautés rurales sud-africaines n’ont pas eu de réelle période de développement entre la « période rurale » et la « période industrielle ».
L’implication du CRCE au sein de la communauté de Ga-Mothiba se focalise sur trois domaines principaux : l’agriculture, la gouvernance et l’implication des jeunes dans les projets de communauté. Le premier projet du CRCE à Ga-Mothiba a consisté à aider un groupe d’agriculteurs portant le nom de « Leolo farm » dans le but d’améliorer leurs revenus grâce à des méthodes de productions agricoles durables. En 2006, peu de temps après le lancement de ce projet, le CRCE a travaillé en collaboration avec une étudiante étrangère. L’étude s’est principalement focalisée sur la gestion des ressources naturelles agricoles locales mais a aussi recommandé la création d’une plateforme dont l’objectif était de rassembler les différentes organisations de la communauté afin qu’elles partagent leurs expériences de travail. Cette plateforme a été nommée « Mothiba Development Forum » (MDF). Le CRCE a ainsi soutenu la création du premier « Forum de développement », structure qui existe maintenant dans les différentes communautés dans lesquelles travaille le CRCE. Il s’agit plus précisément d’une organisation non gouvernementale dont le but est de coordonner et favoriser tous les projets de développement au sein même de la communauté. Ceci permet de faciliter la communication entre les organisations membres du forum et les autorités locales tout comme l’accès aux différents services disponibles au sein de la communauté et finalement de participer à un processus d’empowerment à travers le soutien des différentes actions mises en place par les organisations. Enfin, le CRCE soutien aussi les initiatives des jeunes membres des communautés, afin de leur permettre de devenir acteur et moteur de leur propre développement et de leur destiné. Il est important, pour comprendre le contexte, d’expliquer qu’au sein des communautés rurales sud-africaines, les jeunes ne sont jamais considérés comme étant « l’avenir » des communautés. Il existe en effet une sorte de « confrontation des générations ». D’une façon générale, les initiatives provenant des jeunes gens ne sont jamais les bienvenues et sont toujours très mal perçues. Les jeunes sont donc exclus de la vie de la communauté et les relations avec les anciens sont souvent mauvaises. De plus le taux de chômage est en moyenne très élevé et concerne à la fois la population âgée et jeune. Etant donné qu’il n’y a aucun développement économique au sein des communautés, il n’y a aucune opportunité de travail et les jeunes n’ont donc aucun avenir professionnel et aucune perspective. Finalement, la propagation du virus du sida n’améliore pas la situation et intensifie l’état de pauvreté dans lequel se trouvent les habitants.
A Ga-Mothiba, le CRCE appuie actuellement la création d’un centre de jeunesse appelé « Bokamoso Youth Developpement and Information Center » (BYDIC). Le BYDIC est en réalité une initiative elle aussi issue du travail d’Action-Recherche qui a recommandé la création du MDF. Suite à cela, les jeunes gens de la communauté ont ressenti le besoin de créer une autre plateforme spécialement destinée aux jeunes gens de la communauté. En 2007, grâce à l’aide du MDF, le groupe de jeunes a réussi à obtenir une autorisation d’occupation de la part du Conseil traditionnel de Ga-Mothiba. L’obtention de ce terrain a nécessité de nombreuses discutions entre les membres du MDF, pour convaincre les membres du Conseil traditionnel de la nécessité d’une telle plateforme. A la même période, le CRCE a obtenu un financement de l’Ambassade de France afin de financer les projets en cours au sein de la communauté de Ga-Mothiba, incluant la création d’un bâtiment pour ce centre de jeunesse. En 2008 ont débuté les travaux de construction du centre. Les jeunes faisant partie du groupe ont nommé la future organisation « BYDIC ». En 2009, le groupe de jeunes a procédé à l’enregistrement de leur organisation de façon officielle, pour être reconnue en tant qu’association à but non lucratif. Ils ont écrit une Constitution et ont élu les membres du bureau. Ils ont enfin décidé des activités qui auront lieu au sein du centre, comprenant des programmes de sensibilisation au VIH ou des programmes agricoles par exemple. Le but des programmes agricoles est d’une part de transmettre les méthodes traditionnelles d’agriculture, initiées par le CRCE et d’autre part de générer des revenus dans le but de gagner des fonds propres. Aujourd’hui, l’objectif premier du CRCE est d’aider le BYDIC à devenir totalement indépendant, notamment en l’aidant dans la mise en place des projets agricoles. Depuis 2007, le CRCE a accueilli trois étudiants étrangers. Leur travail s’est principalement focaliser sur l’accompagnement de l’association du BYDIC dans le but de l’aider à devenir autonome.
La suite du document analyse la démarche de l’organisation et tente de démontrer comment, par le biais de la création d’un centre de jeunesse dans une communauté rurale, le CRCE peut mettre en place un processus d’empowerment. D’une manière plus générale, les questions soulevées sont de savoir s’il est possible d’évaluer l’impact de ce processus et s’il est possible d’identifier des indicateurs précis, tout en comprenant les enjeux de l’évaluation de tels projets.
La reconnaissance sociale et la création d’un groupe organisé
Il est important, avant d’évaluer l’impact du projet sur son ensemble, d’en distinguer les différents niveaux, c’est-à-dire au niveau individuel et au niveau collectif .
Au niveau individuel, le processus d’empowerment amène l’individu à se prendre en charge lui-même, ce qui signifie qu’il sera seul décideur de sa destinée économique, professionnelle, familiale ou sociale. Il devient alors moteur de sa propre vie tout en prenant conscience de sa situation. En prenant conscience de sa situation, l’individu pourra alors se fixer ses propres objectifs pour tenter d’y remédier. La personne est donc à la base de la démarche et acquiert petit à petit un pouvoir : de travailler, de gagner sa vie, de décider de son destin… Dans le cas du projet du CRCE, chaque personne concernée par le projet a pris conscience d’un besoin : celui de créer une structure spécialement dédiée à la jeunesse de la communauté. Par ailleurs, chaque membre faisant partie de l’association a reçu des tâches et responsabilités bien précises. Ceci favorise ainsi l’estime de soi, la prise d’initiatives ainsi que la reconnaissance sociale au sein de la communauté.
Différentes études menées sur l’évaluation de projets d’empowerment démontrent que la création d’un groupe organisé est un facteur nécessaire pour la mise en marche du processus. Rogier van ‘t Rood explique, dans une étude sur le processus en question, que si nous partons de l’idée que le terme empowerment signifie : « la capacité des individus à contrôler et diriger leur propre vie, alors les affirmations suivantes devraient être exactes :
1. Les individus sont capables de transformer leur vie
2. Pour transformer leur vie, ils doivent s’organiser
3. Donc l’auto-organisation est un indicateur d’empowerment »
Finalement, si l’auto-organisation est considérée comme un indicateur d’empowerment, alors la création d’un groupe d’individus organisés est aussi un indicateur du processus. Le processus d’empowerment implique alors l’émergence d’une conscience collective. Au niveau du groupe, l’objectif est de le rendre capable d’analyser sa situation, de définir ses problèmes et d’apporter une solution pour les résoudre. Ceci débute par l’émergence d’un sentiment d’appartenance au groupe. Dans le cas du centre de jeunesse, nous avons pu voir apparaître rapidement:
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une conscience collective : les jeunes ont identifié leurs problèmes, comme par exemple le manque de sensibilisation, le manque d’actions destinées aux jeunes etc.
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une volonté d’atteindre ces objectives collectivement : les jeunes ont développé une stratégie en créant une association. Ils ont élu des responsables en fonction de leurs connaissances pour accomplir certaines tâches. Ils ont mis en place des actions pour mobiliser des ressources etc.
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des objectifs communs : ils ont évalué leurs objectifs puis les ont rédigés dans la Constitution de l’association.
Finalement, il est difficile de dissocier le processus au niveau de l’individu et du groupe ciblé dans le sens ou si l’individu s’autonomise, il y aura forcément des effets bénéfiques sur la communauté. Il s’agit d’une « énergie » ou « synergie » qui favorise tous les types d’actions. Dès lors qu’une personne commence une action, le processus est lancé. Cependant, l’empowerment d’un groupe d’individus aura probablement un impact plus important car la formation d’un groupe ou d’une association est un moyen d’expression de besoins communs, de telle façon qu’ils ne peuvent être ignorés. Il est alors important de relier les effets des projets au niveau local (ou de l’individu) et au niveau global (de la communauté). Il est aussi important de souligner que les objectifs fixés au niveau local et global ne sont pas identiques. Il est donc difficile de se baser sur l’achèvement de l’objectif global du projet pour tenter de déterminer son impact, comme c’est souvent le cas dans l’évaluation de projets.
Ainsi, nous pouvons dire qu’à la fois l’auto-organisation et l’organisation d’un groupe cible est un facteur d’avancement du processus d’empowerment. Cependant, nous verrons dans la partie suivant que d’autres facteurs sont à prendre en compte.
Le Triangle de l’Empowerment : une méthode d’évaluation participative
Une étude de Rogier van ‘t Rood démontre que : « si l’auto-organisation est un indicateur d’empowerment, alors, nous rencontrons maintenant le problème que les organisations criminelles, terroristes ou toutes autres organisations menant des actions violentes sont elles aussi auto-organisées ». Ainsi, Rogier van ‘t Rood précise que pour évaluer correctement l’impact de projet d’empowerment et pour exclure ce type d’organisation, il est indispensable d’ajouter que l’auto-organisation du groupe (ou de l’individu) doit contribuer à l’achèvement de ses objectifs de façon :
« - Attentionnée : l’individu doit porter une attention particulière à son travail (volontaire ou non)
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Responsable: l’individu doit être responsable de ses actes, faire preuve de motivation, accomplir ses devoirs et obligations…
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Sécurisée: l’individu doit atteindre ses objectifs en créant un environnement social sûr et stable dans sa façon d’user de son pouvoir/rôle, de communiquer avec les autres membres… »
Le Triangle de l’Empowerment est un outil d’évaluation mis en place par le cabinet-conseil International Educational Services (IES) . Cet outil a comme objectif de faciliter l’évaluation de processus d’empowerment. Il prend en compte à la fois les objectifs à accomplir, ainsi que les « valeurs » avec lesquelles les objectifs doivent être atteints, comme nous l’avons vu précédemment. Cet outil a une autre spécificité : il est normalement utilisé et développé pour chaque projet, en collaboration avec les participants. Il s’agit donc d’une méthode d’évaluation participative.
Le processus d’empowerment peut donc être représenté par un triangle, composé de trois piliers. Ces trois piliers se définissent comme étant les mains, la tête et le cœur du processus. Ils correspondent à trois questions :
1. Quoi ?
Quelles sont les activités auxquelles l’individu va porter attention?
Décrire les activités, les tâches à accomplir…
2. Pourquoi ?
Quel est le but des activités dont il va être responsable?
Identifier tous les objectifs, évaluer toutes les responsabilités, les valeurs, convictions, droits, devoirs, motivations, obligations…
3. Comment ?
Comment l’individu va-t-il mettre en place ces activités tout en contribuant à un environnement stable?
Identifier les moyens de communication, les ressources à utiliser, les méthodes, les procédures à suivre…
Dans le paragraphe suivant, le Triangle de l’Empowerment sera appliqué au cas du projet du CRCE pour tenter d’expliquer concrètement le processus dans ce contexte. Il ne s’agit pas de la forme exacte dans laquelle le triangle a été développé par l’IES mais d’une adaptation. Le Triangle de l’Empowerment sera dans ce cas appliqué à la fois au groupe cible (l’association de jeunes membre) ainsi qu’à un participant du processus (le trésorier). Ces exemples ont été réalisés sans la contribution des participants, mais en fonction de ce qu’ils ont achevé. Il s’agit ici de comprendre le processus plus que de l’évaluer.
Le Triangle de l’Empowerment appliqué à l’association du BYDIC
Le Triangle de l’Empowerment appliqué à un individu
Evaluation du projet selon des critères de base : l’enjeu de la durabilité du projet
Les projets de développement sont généralement évalués en fonction de différents critères. Ces critères doivent permettre de créer un panorama du projet, selon différents « points de vue ». Les critères sélectionnés sont souvent identiques, que ce soit pour évaluer un projet émanant d’une ONG, d’une Institution ou d’une autre structure. Il s’agit des termes ci-dessous :
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Pertinence
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Efficacité
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Efficience
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Durabilité (pérennité, viabilité)
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Impact
Les paragraphes suivant résument une analyse du projet du CRCE selon certains critères : l’efficacité, l’impact et la durabilité.
L’efficacité du projet en termes d’autonomisation
Au niveau individuel, le processus d’empowerment est en marche depuis le début. Cependant, le « niveau » d’empowerment dépend bien souvent de la personne concernée. Par exemple, une des jeunes femmes membre de l’association est déjà très active dans la communauté et fait partie d’autres organisations communautaires. Dans son cas, le processus a pratiquement atteint l’objectif final. Au contraire, pour un autre jeune membre de l’association, le BYDIC représente sa première prise d’initiative au sein de sa communauté. Le fait de s’investir dans ces actions lui permet d’une part de se stabiliser et d’autre part de commencer à faire des choix concernant sa propre vie.
L’impact du projet sur les membres de la communauté
Au sein d’une communauté dans laquelle rien n’a été créé spécialement pour la jeunesse, l’impact d’un tel projet a rapidement été visible. Les bénéficiaires viennent déjà nombreux pour suivre les activités présentées dans le centre. En ce qui concerne les personnes d’âges mûres, celles-ci restent réticentes et ne croient pas vraiment aux bénéfices d’un tel projet, géré par des jeunes.
En ce qui concerne l’impact de chaque programme, comme par exemple la prévention HIV, il est encore trop tôt pour observer un réel impact. Il faudrait aussi se baser sur des statistiques médicales qui n’existent pas aujourd’hui.
Enfin, pour répondre à la question de savoir si le projet du CRCE aura un impact sur l’ensemble des habitants de la communauté, il est aussi trop tôt pour pouvoir donner des indications précises. Cependant, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que ce type de projet, qui place les initiatives des jeunes au centre de la communauté, va forcément avoir un impact sur la totalité de la communauté. Déjà actuellement, il y a une réelle prise de conscience de la part des jeunes, principalement concernant les relations de pouvoir par rapport aux personnes plus âgées. D’ailleurs, de leur côté, le projet n’est toujours pas accepté et le BYDIC devra probablement faire ses preuves pour démontrer que les jeunes sont aussi capables de décider de leur avenir.
La durabilité du projet global
Il s’agit ici des chances que les effets positifs du projet se poursuivent au-delà de la fin de l’aide extérieure, c’est-à-dire quand le CRCE se retirera. Il semble que l’association pourra rapidement s’autonomiser si elle arrive à obtenir un minimum de fonds pour sa subsistance. Grâce à ces fonds, elle pourra commencer à mettre en marche ses programmes agricoles et à vendre les produits qu’elle récoltera. Ainsi, l’association sera beaucoup moins dépendante des fonds externes et deviendra maître de ses objectifs.
D’un autre côté, nous pouvons dire qu’à l’heure actuelle, le projet global n’est pas durable. Tout d’abord parce que le projet de base, qui concerne la construction d’un centre pour le BYDIC, n’a pas été terminé : il n’y a pas d’électricité, pas de peinture, pas de matériel, pas de toilettes… Aujourd’hui, le BYDIC ne peut mettre en place aucune activité nécessitant du matériel dans le centre à cause des difficultés pour trouver des bailleurs de fonds. Ensuite, la plupart des programmes actuels ne sont pas pérennes. En effet, il s’agit de programmes facilités par une volontaire Peace Corp qui disparaîtront probablement quand la volontaire se retirera s’il n’y a aucun transfert de connaissances. L’enjeu déterminant aujourd’hui est réellement focalisé sur cet aspect du projet.
Il est important de souligner que cet enjeu concerne tous les projets de développement. Le terme « empowerment » peut se transformer en « desempowerment » et ceci représente un des plus grands risques de viabilité du projet. En effet, « empowerment » ne signifie pas « donner du pouvoir par les puissants pour les impuissants » . Il semble impératif de garder à l’esprit que les facilitateurs des processus d’empowerment doivent bien « partager et non pas transmettre ou imposer11 leur savoir ». Pour que le processus garde toutes ses valeurs, le groupe ciblé doit faire ses propres décisions pour tirer leçons de ses propres expériences. Il ne faut en aucun cas agir à la place des participants.
Conclusion
Nous pouvons confirmer que le projet à l’initiative du CRCE a bien permis la mise en marche d’un processus d’empowerment. Ceci se vérifie grâce à l’observation de la création d’un groupe organisé. Le groupe a établi une stratégie pour atteindre un objectif global, c’est-à-dire créer une structure dédiée aux jeunes de la communauté. Nous avons aussi observé à travers un exemple que le processus est en marche au niveau individuel. Chacun tente d’assumer leurs propres responsabilités, tout en contribuant à un environnement stable.
D’une manière générale, nous pouvons dire que l’évaluation de projets qui ont pour objectif l’empowerment d’individus doit prendre en compte différents aspects et non pas seulement l’atteinte d’un seul objectif. Il reste encore très difficile d’évaluer ce type de projet car il s’agit de projets de long terme. L’exemple étudié le démontre bien : la concrétisation du projet vient seulement de débuter et les bénéfices apportés seront probablement plus marqués dans quelques années. Les difficultés qui mènent aux chemins de l’empowerment sont nombreuses et complexes. Parmi celles-ci, la pérennité se place au premier rang.
Aujourd’hui, le processus d’empowerment se trouve de plus en plus au cœur des projets de développement. Il répond à la nécessité d’insister sur la participation active des bénéficiaires des projets dans les pays du Sud, aspect qui n’était pas forcément pris en compte il y a quelques années. D’autre part, le processus concerne aussi les pays du Nord, dans lesquels on a assisté à une augmentation significative des groupes défavorisés depuis déjà plusieurs années.
Finalement, comme nous avons pu le remarquer, les projets d’empowerment peuvent impliquer une remise en question des valeurs ou pratiques locales. Dans le cas du BYDIC, il s’agit bien des relations de pouvoir entre les différentes générations. Ce trait culturel très marqué représente donc un enjeu important concernant l’aboutissement du processus d’empowerment des jeunes gens de la communauté, tout comme de l’ensemble de la communauté.